Du haut de ses 29 ans et de son mètre quarante-cinq, une casquette Playboy noire et jaune fluo vissée sur la tête, Rose nous promène pour la journée à travers les marchés flottants de Cần Thơ, ville la plus importante du Delta du Mékong. Elle est guide. Enfin, pas que. Elle vend aussi des cosmétiques coréens à prix préférentiels au réseau qu’elle s’est créé sur Facebook. En réalité, elle rêve de faire des études de pharmacie et travaille pour se les payer. Elle est déterminée ; ses yeux un peu cernés et ses bâillements incessants, à l’heure où le jour se lève sur le fleuve, en témoignent.
Rose vit chez ses parents un peu en dehors de Cần Thơ ; sa petite sœur aussi. L’an passé encore, elles louaient un petit appart ensemble en ville – leur évitant ainsi la demi-heure de scooter pour s’y rendre –, avant de décider de revenir vivre dans la maison familiale pour s’occuper de leurs parents. « Ils commencent à vieillir et au Vietnam, on doit prendre soin des personnes qui nous ont mis au monde et nous ont nourris », dit-t-elle. Un juste retour des choses hérité du bouddhisme.
Pourtant son frère, de trois ans son aîné, habite à cinq minutes. Il s’est marié il y a cinq ans et a deux jeunes enfants. Habituellement, après les noces la belle-fille vient habiter dans la famille du mari mais comme elle est enfant unique, les parents se sont mis d’accord. Mais, ils ne viennent pas beaucoup leur rendre visite. C’est comme ça. Rose s’y est résolue, même si elle aimerait que ce soit autrement. Sa préoccupation est avant tout de travailler pour s’assumer et ne rien devoir à personne. Et quand elle a un peu d’argent en plus, elle le donne à ses parents qui tiennent une petite épicerie.
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