Après avoir traversé le Vietnam du sud au nord, en passant par le Delta du Mékong, Saigon, Hoi An, l’île de Cat Ba, ou encore Hanoï, nous avons terminé notre périple vietnamien dans l’extrême nord. Nous avons effectué une boucle de quatre jours en scooter dans le parc géologique karstique de Đồng Văn, délaissant Sapa que nous craignions trop touristique. Il s’agit de la boucle de Hà Giang et c’est un must.
Protégé depuis 2010 par l’UNESCO, ce parc offre de somptueux paysages encore très préservés, où vivent des communautés ethniques de manière traditionnelle. Parmi les boucles réalisées précédemment – Thakhek et le plateau des Bolovens au Laos – la boulce de Hà Giang est de loin la plus belle, la plus impressionnante et la plus authentique. C’est d’ailleurs l’un de nos meilleurs souvenirs de voyage.
Voici notre épopée fantastique en deux épisodes.
Le parc de Đồng Văn, en quelques mots…
Fondé en 2009, le parc géologique karstique de Đồng Văn (Đồng Văn Karst Plateau Geopark) a été inscrit au Réseau mondial des Géoparcs (Global Geopark Network) en 2010. Il s’agit du premier « géoparc » au Vietnam et du second en Asie du Sud-Est. Il s’étend sur 2326 km2 sur quatre districts – Quản Bạ, Yên Minh, Đồng Văn et Mèo Vạc– sur la province de Hà Giang. Près de 60 % de sa surface est recouverte de calcaire. Le parc possède un héritage géologique et de biodiversité, et compte diverses cultures ethniques. Les Hmongs représentent 70 % de la population des 17 communautés qui occupent ce territoire.
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La boucle de Hà Giang
JOUR 1 : HÀ GIANG – QUẢN BẠ – YEN MINH – DỒNG VAN
HA GIANG – QUẢN BẠ
Nous sautons du bus couchette, l’œil encore collé. Il est 4h30 du matin, nous arrivons à Hà Giang. Étrangement, il y a du monde dans les rues. Notre seule idée en tête : trouver Johnny. Pas celui avec le blouson en cuir et la coupe en brosse, le loueur de scooter.
Quand le rideau métallique se lève, Johnny, un vietnamien chauve et barbu, nous accueille d’un bâillement profond. Mais au Vietnam on ne laisse jamais un client sur le pas d’une porte, soyez en sûrs…
À peine arrivés qu’un autre couple de Français entre dans la boutique. Nous prendrons un café et un bol de riz-poisson séché ensemble avant de quitter la ville. En attendant, nous laissons nos gros sacs pour ne garder que le minimum et enfourchons notre semi-auto.
Nous entrons dans la zone géographique protégée par l’UNESCO et entamons l’ascension dans les hauteurs verdoyantes. Très vite, nous apercevons les premières rizières et cultures en terrasse. La plupart d’entre elles viennent d’être plantées et sont vert-clair. Quelques-unes encore boueuses sont en passe de l’être ; on y aperçoit des paysans en train de planter le riz ou de labourer avec leurs buffles.
Les paysages prennent de l’ampleur à mesure que nous montons et les rizières s’étalent le long des pentes.
Quelques attractions ponctuent notre route, telles les « Rocky Mountains Gods », série de petits rochers en pointe, ou le « Quản Bạ Heaven Gate », col offrant un panorama sur la vallée. En redescendant de l’autre côté, un point de vue permet d’admirer les fameux Núi Đôi (Fairy Bosom – seins de fée), deux seins de verdure qui pointent au milieu des rizières.
QUẢN BẠ – YEN MINH
Des panneaux indiquent les villages ethniques : Hmong, Cai, Tay, Lô lo… Comme nous avons du temps, nous en profitons pour faire un crochet par le village Hmong de la commune de Lùng Tám afin de visiter une coopérative de tisserands de lin. Une activité traditionnelle remise au goût du jour il y a quelques années afin de sortir le village de la pauvreté – dans la région, les gens vivent essentiellement du maïs. Un succès : la coopérative emploie plus d’une centaine de villageois et exporte à présent ses produits dans plusieurs pays occidentaux.
Il semblerait qu’ils fêtent quelque chose…
Mais nous trouvons porte close. En continuant dans le village, trois femmes habillées de couleurs vives nous saluent d’un large sourire. Puis nous passons un groupe de personnes et remarquons des décorations traditionnelles. Les femmes sont de toute beauté avec leurs habits aux couleurs éclatantes et aux motifs dépareillés. Elles ont les traits fins et la peau hâlée. Les hommes portent un ensemble noir à col Mao. À la sortie du village, un champ, des gens, d’immenses gamelles sur un feu de bois et sur le bord de la route, un cochon dont il ne reste que la tête. Il semblerait qu’ils fêtent quelque chose…
Nous revenons un peu en arrière.
Je veux prendre ces femmes en photo ; leur beauté est éblouissante. Je demande leur permission mais l’une d’elles me répond ‘non’ pour les autres. Je n’insiste pas mais lui dis que je les trouve très belles. « Wedding ? », lancé-je. Il y a vraiment un air de fête. Elle s’approche. Nous n’avons pas de langue en commun mais certains gestes sont universels : il s’agit d’un enterrement. Je change d’expression et m’excuse, tandis que les femmes rient de notre incompréhension. La mort ne semble pas être si triste, juste respectueuse.
Soudain la femme me saisit le bras et m’invite à la suivre. Je freine, gênée, mais tout de même ouverte à ce contact inespéré. J’en ai peur, elle veut m’introduire dans la cérémonie, me montrer. Mais j’ai compris et je ne veux pas voir à tout prix ! Je lui fais comprendre que je ne veux pas les déranger mais elle n’en tient pas compte et me fait signe de lui faire confiance. J’ai confiance en elle. Elle me tient fermement la main comme une mère rassurante et nous marchons à travers le monde venu pour l’occasion. Je me sens comme une tâche sur une étoffe de soie. Ils sont si beaux, je suis si… hors sujet. En même temps, cela excuse un peu ma naïveté. De toute façon, les gens ne se soucient pas trop de moi : ils discutent, certains sourient. C’est tellement différent de nos enterrements. Tellement plus… vivant.
Passée une première porte, j’enlève mon casque que j’avais oublié sur ma tête. Dans la salle, des gens discutent un peu partout. J’ai cru en voir un ou deux pleurer la mort mais je n’en suis même pas sûre, je ne veux pas les fixer du regard. Je m’arrêterai là, je ne veux pas aller plus loin. Mon accompagnatrice insiste encore en me montrant la salle du fond. Je lui assure que je comprends : je vois cette vieille femme allongée en hauteur à qui des visiteurs viennent rendre hommage. Elle me montre, commente. Je comprends, globalement. En fait, on se comprend globalement. Une certaine complicité, proximité vient de naître entre nous. Cette scène intime nous a rapprochées en l’espace de quelques minutes ; nous ne sommes désormais plus que deux êtres humains. Nous nous ressemblons terriblement face à cette mort.
En fond, des mélodies nasillardes proviennent de flûtes en bois à bout évasé jouées par quelques hommes assis en squat. L’atmosphère n’est pas à l’effondrement, il est calme. Presque normal. On accompagne un défunt. La mort fait partie de la vie.
Je regarde une dernière fois cette scène : le sol en terre de cette bâtisse de bois modeste, ces gens tellement présents, cet air de célébration. Puis, je regarde mon accompagnatrice et lui fais signe que l’on peut sortir. J’en ai assez vu, j’ai compris et je suis reconnaissante de son ouverture et de sa bienveillance. Elle a partagé un peu de sa vie avec moi, avec naturel et générosité. Nous ne sommes plus des étrangères. Je la remercie et nous nous saluons de la main quand le scooter repart.
YEN MINH – DỒNG VAN
Cette première étape s’arrêtera à Đồng Văn. En tout, cela fait plus de 150 km de route de montagne et si nous voulons arriver avant la nuit, nous ne pourrons pas nous arrêter à la demeure de la famille Vương, du roi des Hmongs, à une trentaine de kilomètres avant Đồng Văn. Ce sera pour demain.
Cette dernière portion de route est encore différente : nous avons gagné en altitude et les reliefs sont plus pointus. Nous évoluons entre des sommets coniques, recouverts de végétation, parfois lacérés par une route. Les rizières en terrasse ont cédé la place à toujours plus de champs de maïs et de plantes qui ressemblent étrangement au pandan – de petites touffes avec de longues feuilles vertes et plates. En contrebas, quelques maisons sont les témoins d’une vie dans un endroit si reculé. La fraîcheur et la lumière de fin d’après-midi rendent la balade divinement agréable.
Vous en voulez encore ? Le plus impressionnant reste à venir…
Lire la suite de notre road trip {Partie II}.
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Six mois déjà !
Voilà, ça fait six mois qu’on est partis pour faire ce joli voyage et nous voulons vous remercier pour vos commentaires, mails et messages réguliers. Même si on s’éclate comme des petits fous, cela nous fait extrêmement plaisir de recevoir des nouvelles et encouragements de votre part. Alors, continuez ! Et pour ceux qui sont encore un peu timides, n’hésitez pas à partager vos impressions sur les articles ; cela nous donne l’énergie de continuer cette activité – certes chronophage – mais très intéressante qu’est le récit de nos aventures. Merci beaucoup !
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