On a rencontré Fernand pour la première fois au sortir des sanitaires communs de notre auberge à Bangkok. La serviette blanche nouée autour de la taille, la bedaine imposante, le cheveu poivre et sel tombant sur une nuque attendant patiemment le jour du coiffeur, des lunettes rondes cerclées de fer et le teint buriné par le soleil fendu d’un sourire large, il sortait de la douche. Wow. En habitué des lieux, il engage aussitôt la conversation et nous l’identifions très vite comme une mine d’information et d’histoires passionnantes. Retraité de la SNCF à 50 ans, il nous explique avec un fatalisme épatant de drôlerie : « Quand ils se sont aperçus que j’occupais un poste qui ne servait à rien, ils m’ont fichu dehors ! ». Depuis il vit dans le sud de la Thaïlande et ça fait 12 ans. « J’habite à Ban Krut ! ». Ça ne s’invente pas. Il loue une baraque pour 100 euros le mois mais compte déménager sous peu car les termites menacent et il craint que la charpente ne lui tombe bientôt sur la tête. En bon aventurier, Fernand a entrepris un tour en motocyclette à travers la Thaïlande. « Vous ne l’avez pas vue ? Elle est dans la cour », dit-il avec fierté. Ce personnage, car c’en est un, est épatant. Il vit, il est libre. À Bangkok, il descend toujours dans la même auberge car il s’y sent bien. Il a presque sa chambre attitrée. Il fait un stop de quelques jours dans la capitale pour voir son fils qui y habite, et puis quelques amis aussi. Il connaît des gens dans le quartier mais aussi les meilleurs petits restos.
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