Située près du parc national Nam Ha, dans le nord-ouest du Laos, Luang Namtha est le point de départ de nombreuses escapades dans la jungle et sur les rivières alentours. C’est cette petite ville que nous choisissons pour une première étape au Laos, un passage de frontière et quatre heures de bus plus tard. Welcome to Laos!
Deux jours de trek et kayak
À Chiang Khong, ville frontalière thaïlandaise avec le Laos, nous avions recroisé par hasard sur un bout de balcon de notre guesthouse, Anne-Laure et Olivier, nos amis suisses rencontrés à Chiang Rai. Surprise ! Nous allons dans la même direction. C’est ensemble que nous arrivons à Luang Namtha et c’est avec eux que nous allons explorer les environs. Nous réservons un guide pour deux jours de trek dans la jungle et de kayak sur la rivière Nam Tha, affluent du Mékong, avec une nuit en homestay (chez l’habitant) dans un village de l’ethnie Lanten. Un joli petit programme bien équilibré, alliant sport et découverte culturelle, seuls avec la nature et les populations locales. Enfin.
Nos guides khmus
Mee
Au point de rendez-vous, Mee nous attend tout sourire, l’air dynamique. Il est de l’ethnie des Khmus (prononcer « kamou »). Il porte un jogging noir, un T-shirt Ad***s et des vieilles baskets aux pieds, et s’exprime dans un anglais tout à fait correct. Il est l’heure. Le ciel est couvert mais il va se dégager nous assure le responsable en zieutant la grisaille. Le tuk-tuk bleu qui nous mène au départ du trek nous ballote d’un rythme presque régulier et l’air frais nous réveille d’une caresse dans les cheveux. Premier arrêt au marché, le temps d’acheter un peu de nourriture pour les deux jours. Puis, nous prenons Bola sur le bord d’une route. Elle sera notre deuxième guide pour cette journée de trek.
Bola
Bola est khmu aussi. Sur sa tête, un chapeau beige tressé avec de larges bords fait ressortir son visage hâlé, endurci par le travail et le soleil, et laisse échapper une longue queue de cheval noire à l’arrière. Elle porte des bottes de pluie en caoutchouc violet, un pantalon et une veste à manches longues. Un sac en bandoulière posé sur son front descend jusque dans son dos et renferme entre autres une machette, de petits fruits orangés, une grande bouteille d’eau et un sachet d’épices. Tout au long de la journée, quoi qu’elle fera, elle tissera de ses mains habiles un sac du même genre. Elle ne parle pas l’anglais mais connaît parfaitement la forêt et les trésors qu’elle recèle. Nous nous enfonçons dans la jungle comme dans une étuve, laissant avec regret la fraîcheur matinale. Très vite, nos corps expirent de sueur.
Déjeuner dans la jungle
Au milieu d’une petite clairière, une vieille baraque en bambou tressé affiche « free wifi » et quelques noms de voyageurs rappellent leur passage en telle ou telle année. La porte ferme mal. À l’intérieur, des vieux matelas ont déjà quelques siestes au compteur. C’est par là que nous mangerons, grâce au bambou, arbre à tout faire, et à ce que nous avons glané dans la forêt et la petite rivière d’à côté.
Fleur de bananier et rotin
Nos guides nous épatent par leur agilité et leur débrouillardise. En quelques minutes, le feu est allumé, une marmite faite d’un bout de bambou géant accueille ce que sera notre soupe de fleur et de cœur de bananier, ainsi que de rotin. Deux grandes feuilles de bananier sont posées au sol en guise de nappe et d’autres permettent de confectionner des cuillères pour la soupe. Quelques moules de rivière grillées au feu et assaisonnées d’épices font office d’amuse-gueules.
La soupe est prête, elle est servie dans un demi-morceau de bambou, accompagnée de riz collant et d’un mélange de nouilles et d’œufs acheté au marché le matin même. Chacun mange dans le plat, avec les doigts et la cuillère. C’est délicieux ! Une banane chacun fait office de dessert. Puis, nous partons nous plonger au frais dans la rivière le temps de digérer.
Nuitée chez les Lantens
Une vie rurale
Après une journée de marche, nous arrivons dans un village de la tribu des Lantens. Celle-ci vit un peu comme les autres que nous avions vues à Mae Salong en Thaïlande ; une vie très rurale. La plupart des maisons sont construites sur pilotis avec des murs en bambou tressé. Chacune d’entre elles dispose d’un espace pour se laver à l’extérieur : un robinet qui part du sol encerclé par un petit trottoir qui canalise les eaux usées vers on se sait où, certainement la rivière. À côté, un cabanon renferme des toilettes, comme d’habitude accompagnées d’un grand bac d’eau propre et d’une écuelle qui font office de chasse d’eau et de papier toilette. Les poules ne sont jamais loin, le coq non plus. C’est lui qui réveille la maisonnée chaque matin vers 4-5 heures, car « lui seul fait se lever le soleil », nous explique Mee.
Une vie en communauté
Ici, on vit sommairement mais on vit ensemble, au sein d’une vraie communauté. Les enfants jouent, vadrouillent, les pieds nus et le sourire généreux. Tous cohabitent avec les poules, les poussins et les jolis petits porcelets noirs (qu’on aurait envie d’adopter s’ils ne devenaient pas ces gros cochons dodus et ridés).
Globalement, les adultes semblent ignorer notre venue. S’il y a un regard, il est sans sourire, mais parfois on est gratifiés d’un timide sabaidee (bonjour). Seuls les enfants et puis cette femme, qui visiblement a gardé son esprit d’enfant, sont amusés et curieux de notre présence. Nous arrivons enfin chez nos hôtes.
L’accueil chez nos hôtes
Leur grande maison abrite quatre générations. La salle principale est sombre. Seules la porte et de petites fenêtres laissent entrer un peu de lumière et d’air frais. À gauche le foyer, à même le sol, permet de cuisiner. Pas de conduit de cheminée mais une lucarne qui aspire la fumée vers l’extérieur. Une petite table basse carrée réunit la famille pendant les repas. À droite, des tapis tressés et une télé, moderne, presque trop. C’est là que nous dormirons, sur des petits matelas et sous une grande moustiquaire, les uns à côté des autres.
Dîner et lao lao
Mee, qui se révèle doucement être notre héro à tous, nous a préparé un superbe dîner. Décidément, il sait tout faire. Nous mangeons, parlons, rions. L’ambiance nous fait oublier la déception de ne pas pouvoir partager le repas avec nos hôtes. Mee sort alors de son sac un petit verre et du lao lao (alcool de riz), conditionné dans une petite bouteille en plastique et nous explique comment boire. À chaque gorgée celui qui boit doit s’exclamer « Agona ! » et les autres répondre en cœur un « Euw ! » venu de la gorge. Ambiance garantie.
Et vers cinq heures, pas loupé… le soleil va se lever car le coq s’égosille. Nous prenons un café sur le balcon, chacun dans un verre en bambou que Mee nous a fabriqué et personnalisé avec nos prénoms. Voilà comment un café instantané noyé de lait peut avoir une saveur exquise.
Kayak sur la Nam Tha
Après une visite au musée du village (oui, un musée !) et un détour par l’école, les visages s’ouvrent et nous profitons de quelques sourires. C’était de la timidité.
Mais il est l’heure, nous regagnions notre tuk-tuk qui nous attend pour une descente en kayak sur la Nam Tha. Bientôt, nous goûtons au plaisir de glisser sur l’eau par cette chaleur, avec pour décor une forêt luxuriante. De temps en temps, nous passons devant des villages Lantens, parfois nous nous y arrêtons. Des enfants se baignent, des femmes lavent du linge, des pêcheurs lancent leurs filets plombés.
Déjeuner au feu de bois
À midi, pour le déjeuner, nous allumons un feu. Mee prépare le poisson que l’on fera griller grâce à un système ingénieux en bambous. Pendant la cuisson, il nous taille à chacun une paire de baguettes avec sa machette. Il en fait de très belles nous dit-il, et c’est vrai. On n’en a jamais vu des aussi jolies.
Concert au bord de l’eau
Après manger, Mee disparaît puis réapparaît avec une couronne de lilas qu’il vient de confectionner et de se poser sur la tête. Il rassemble un vieux bout de bambou sec qu’il a troué par endroits et un autre un peu moins sec. Il en saisit deux autres un peu plus fins et commence à taper dessus en chantant. Il nous avait promis une chanson. Sa voix extrêmement mélodieuse et il est parfaitement en rythme. Nous sommes seuls au bord de la rivière, le ventre plein et le cœur en joie.
Le soir, de retour à la guesthouse, nous quittons Mee après deux jours ensemble, comme une belle parenthèse d’aventure et de partage sincère.
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