Mae Salong : la petite Chine dissidente

Mae Salong, ThaïlandeMae Salong est nichée au milieu d'un paysage vallonné, dans le Triangle d'Or.

Après quelques jours à Chiang Mai, le bilan est assez mitigé, des choses très positives, des rencontres très riches, mais aussi des désillusions, des questionnements d’ordre culturel, entre tradition et modernité. Cette ville occidentalisée, très touristique, semble avoir perdu un peu de sa personnalité à force de vouloir s’adapter à ceux qui viennent de plus en plus nombreux la visiter – Américains et Européens dans un premier lieu, Chinois en masse depuis quelques années.

Nous avons besoin de nous évader à la campagne, de revenir à quelque chose de plus « typique ». Tout d’abord, nous avions pensé à Mae Hong Son, cette destination symbolise en elle-même une boucle mythique à effectuer en deux-roues, mais le temps nous est compté et il nous faut nous diriger petit-à-petit vers le nord-est pour rejoindre le Laos.

Un goût de Yunnan

Puis nous nous intéressons au fameux Triangle d’Or et entendons parler de Mae Salong. Cette petite ville à l’histoire singulière semble encore épargnée des lourdeurs du tourisme de masse, mais pour combien de temps…

Mae Salong au petit matin - Thailande

Mae Salong a été fondée par le 93e régiment du Kuomindang (KMD). Ce régiment chinois, qui se revendique nationaliste, opposé au communisme de Mao, s’est d’abord réfugié au Myanmar après la révolution chinoise de 1949, avant d’en être chassé au début des années 1960. Ils se sont alors établis au nord de la Thaïlande en recréant une société à l’identique de celle qu’ils avaient quittée au Yunnan. Cette ville est donc chinoise, voire yunnanaise. On y parle le chinois du Yunnan, on y mange la cuisine du Yunnan, les panneaux des commerces sont en chinois avant d’être en thaï.

Pendant très longtemps, Mae Salong a été quasiment coupée du monde et elle a joué un rôle important dans l’histoire du Triangle d’Or. Jusque dans les années 1980, les Yunnanais du KMD ont été fortement impliqués dans le trafic d’opium qui animait la région à cette époque. Il y a également beaucoup d’ethnies de montagne établies aux alentours, Akha et Lisu pour la plupart, qui en ont été de grands producteurs.

Le gouvernement thaïlandais a œuvré pour l’éradication de la production et du trafic d’opium, et plus récemment de méthamphétamines, en remplaçant les champs par des cultures de thé et de café. La ville a également été renommée Santikhiri – la colline de la paix – et on y trouve maintenant du très bon thé et du très bon café !

Pour y arriver depuis Chiang Mai, nous devons prendre un bus local jusqu’à Tha Ton, puis un sorng-taa-ou (taxi collectif à deux rangées) qui nous amène jusqu’au centre de Mae Salong. Ici, l’ambiance est calme, détendue, loin du tumulte de la ville et de ses sollicitations incessantes. Nos hôtes sont chinois, descendants de ces militaires du KMD, alors nous sommes tout à coup confrontés directement à l’histoire que l’on nous a contée. Cela a une saveur un peu particulière, un peu excitante peut-être.

Mae Salong est accessible qu'en Sorng-taa-ou (taxi collectif).

Mae Salong n’est accessible qu’en sorng-taa-ou (taxi collectif).

Beignets et lait de soja

Le marché local a lieu tous les jours de 6 h à 8 h à deux pas de Shin Sane Guesthouse, où nous résidons. La température est encore agréable et le soleil levant colore les façades d’une lumière chaude. De chaque côté de la rue se succèdent des tapisses sur lesquelles les gens des ethnies de montagne proposent leur récolte, souvent composée d’un ou deux types de légumes, fruits, œufs ou viande. Tout a l’air frais et savoureux.

À gauche, la halle, doucement inondée par le soleil, offre des rangées d’étales qui abondent de nourriture et de condiments, ainsi que de petits coins pour se restaurer. Nous nous asseyons. Une vieille dame nous sert le petit-déjeuner typique d’ici : une assiette de beignets accompagnée d’un verre de lait de soja tiède et sucré. Le moment est doux. Dans toute cette effervescence, il y a peu d’occidentaux, mais à notre table il y a France. Nous entamons la conversation. Ce Français, dans la soixantaine, connait bien l’Asie. Il l’a parcourue en long et en large ; il est même marié à une Chinoise. Après quelques années en Chine, ils se sont établis à Chiang Mai. Il nous livre avec entrain ses meilleurs souvenirs et des conseils éclairés sur le Yunnan. Nous l’écoutons avec intérêt en partageant la fin de notre petit-déjeuner avant de nous séparer.

Les habitants des tribus Akha et Lisu viennent par fois à pieds de loin pour vendre leur récolte au marché de Mae Salong.

Les membres des ethnies montagnardes (Akha, Lisu…) viennent parfois à pied de loin pour vendre leur récolte au marché de Mae Salong.

La hall regorge de stands de fruits, légumes, viandes et condiments.

La hall du marché regorge de fruits, légumes, viandes et condiments. On a craqué pour un pitaya (dragon fruit) !

Beignets et lait de soja pour le petit déjeuner

Beignets et lait de soja tiède pour le petit déjeuner

Une vie en harmonie

À Mae Salong, un temple domine la ville. Il faut gravir pas moins de 718 marches avant d’être gratifié d’une vue sur les collines voisines, couvertes de plantations de thé, de petits villages et de temples. En redescendant, nous enfourchons un bon vieux scooter pour aller à la recherche des villages ethniques nichés aux alentours. Après nous être délibérément perdus, nous atterrissons dans le village Akha de Ban Lhoyo.

Nous sommes projetés dans un autre monde, une autre époque. Ici, les maisons sont sommaires mais bien conçues, à base de bambous de diverses tailles. Sur ce terrain très escarpé, les bâtisses sont sur pilotis et bien préparées pour les saisons humides. Les chiens, chats, coqs, poules et poussins vaquent librement dans le village ; on remarque aussi quelques porcs dans des enclos. Ce qui frappe c’est à quel point leur habitat et leur mode de vie est en intégration parfaite avec la nature.Les villageois que nous croisons nous accueillent avec le sourire, les enfants nous gratifient de « hello ! » enthousiastes. Ils doivent voir des occidentaux régulièrement mais suffisamment rarement pour que cela ne se transforme pas en un zoo humain. Quelques dames nous exposent leurs réalisations artisanales traditionnelles, dont certaines sont faites d’un bois à l’odeur très marquée qui ressemble à la cannelle. Nous ne parviendrons pas à savoir de quoi il s’agit ; le langage des mains n’y suffira pas.

Le village de Ban Loyo (tribu Akha) est composé presque exclusivement de maisons traditionnelles en bambous et autres végétaux.

Le village de Ban Lhoyo (ethnie Akha) est composé presque exclusivement de maisons traditionnelles, faites de bambous et autres végétaux.

Après cette incursion surprenante sur ce territoire montagneux « yunnanais » du Triangle d’Or, nous regagnons la plaine thaïlandaise.

Jolie rencontre que ce grand papillon qui se fait sécher les ailes sur une herbe haute.

Jolie rencontre avec ce grand et beau papillon qui se fait sécher les ailes sur une herbe haute.

 

 

Enregistrer

9 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.