Voici la suite de notre récit sur la boucle de Hà Giang. Si vous avez manquez le début, voici une séance de rattrapage par ici : lire la partie I .
JOUR 2 : DỒNG VAN – MAISON VƯƠNG – LUNG CU – DỒNG VAN – MEO VẠC
DỒNG VAN – MAISON VƯƠNG
Ce matin, nous retournons en arrière pour visiter la maison de la famille Vương sur la commune de Sà Phìn et projetons de faire un triangle en passant par Lũng Cú, le village le plus au nord du Vietnam et de redescendre ensuite sur Đồng Văn. Si nous avons le temps, nous continuerons sur Mèo Vạc pour y passer la nuit. Le couple de Français que nous avons rencontré à Hà Giang y sera aussi et nous avons prévu de dîner ensemble.
La maison de la famille Vương est établie dans une vallée entourée de ces montagnes coniques. On la devine à peine depuis la route car elle est emmitouflée dans une petite forêt. En arrivant au village dans lequel elle se trouve, nous sommes les seuls occidentaux et les gens nous montrent le chemin sans que nous ayons demandé quoi que ce soit.
La demeure a été construite au début du siècle dernier à la demande de Vương Chính Đức, proclamé chef par la communauté Hmong à l’âge de 30 ans. Devenu riche et puissant grâce à la culture et à la vente d’opium, il régnait sur la région de Đồng Văn.
La demeure est une combinaison d’architectures traditionnelles de styles hmong et chinois qui utilisent des matériaux locaux et d’autres venus du Yunnan (Chine), tels que le calcaire, le bois de fer (très résistant) et les tuiles en tube.
En sortant, après une brève séance de shopping couleur locale, Yen nous attire sur son stand où ses galettes grises attisent notre curiosité. « Tam giác mạch », nous dit-elle. C’est le nom des grains à base desquels elles sont fabriquées et qui proviennent de plantes aux fleurs rose pâle. Leur forme « à facettes » fait penser au sarrasin. Yen nous coupe une galette aux ciseaux et nous nous asseyons un moment sur les mini-tabourets de plastique bleu disposés juste devant. La galette a la texture moelleuse et finement aérée du pain et un goût légèrement sucré.
Il fait bon, la lumière est douce et Yen est de bonne compagnie. Nous discutons, mêlant gestes, mots anglais et vietnamiens. Erik se fait rôtir deux saucisses de buffle sur quelques braises que Yen ravive à peine à l’aide d’un étrange soufflet à manivelle. Puis, il est temps de repartir vers Lũng Cú, le point le plus au nord du Vietnam. Avec un peu de chance, nous apercevrons les contrées chinoises, comme un avant goût de la suite de notre périple.
MAISON VƯƠNG – LUNG CU
Là encore, les paysages sont absolument époustouflants, grandioses, tout en nuances de vert. Pas le moindre centimètre de terre n’est oublié. Partout des cultures ; peu importe le degré de pente, quelque chose y pousse. Ces hommes sont incroyables, ils font un travail de fourmis sur ces terres d’altitude. Ils se sont adaptés à leur environnement et y sont parfaitement à l’aise. Alors que nous suivons des routes toujours plus sinueuses, nous n’apercevons presque personne. Seuls quelques locaux nous doublent à vive allure ou quelques femmes et enfants, sortis d’un des champs alentours, ramènent sur leur dos de grosses qualités de végétaux ou de bois. De loin, on dirait des buissons ambulants. Parfois aussi un troupeau de chèvres ou de buffles les accompagne.
Nous arrivons enfin à Lũng Cú et apercevons le monument qui marque le point septentrional. Quelques gouttes de sueur froide perlent sur notre front quand soudain, nous apercevons sur notre montre… 16 h ! Argl… Nous avons perdu complètement la notion du temps. Il nous reste la même distance jusqu’à Đồng Văn et encore 20 km, soit une bonne heure après jusqu’à Mèo Vạc. Pas le temps de monter au point de vue, nous faisons demi-tour. Nous verrons la Chine plus tard.
LUNG CU – DỒNG VAN – MEO VẠC
Arrivés à Đồng Văn, nous attaquons finalement la route qui mène à Mèo Vạc. Elle est réputée pour être la plus belle partie de ce circuit. C’est le meilleur moment de la journée : youhou ! Ça nous fait tout à coup l’effet d’un de ces bonbons que l’on nous donnait à la maternelle et que l’on dégustait lentement, les yeux grand-ouverts et le sourire gravé sur nos faces de blancs becs. Tout ce que nous avions vu jusque-là n’est rien à côté de cette route. La lumière du soir rend le spectacle encore plus délectable. Le vert nous pète à la figure et nous sommes complètement envoutés.
D’abord ces montagnes en forme de cônes d’encens autour desquels s’enlace la route que nous empruntons, recouverts de maïs et parfois coiffés d’un arbre. Puis, Mai Pi Leng Pass, la route la plus dangereuse de la région, dévoile de longues pentes verdoyantes. En fond de vallée, une rivière s’engouffre dans un immense canyon. Nous nous arrêtons à chaque virage, poussant des « wouah ! » et des soupirs d’émerveillement. C’est sublime, majestueux, nous sommes aux anges !
Ce soir, nous dînerons finalement avec les copains dans un petit restaurant très sympa. Demain, nous avons prévu de refaire la route de très bonne heure pour profiter de la lumière matinale et explorer les alentours.
JOUR 3 : MEO VẠC – DỒNG VAN – XIN CAI – MEO VẠC
MEO VẠC – DỒNG VAN
La boucle de Hà Giang peut se faire en trois jours mais comme nous avions finalement fait une croix sur le lac Ba Be plus à l’est par manque de temps et de facilités de transport, nous prolongeons d’une journée le plaisir dans cet endroit magique. Nous nous sommes donc levés tôt pour faire la route dans l’autre sens et voir ce que les reliefs allaient nous réserver au petit matin.
Un point de vue offre un panorama sur la vallée et le canyon. Nous nous y arrêtons admirer la vue et prendre un « snow tea » au soleil pour nous réveiller.
Alors que nous allions repartir, un Vietnamien entame la conversation d’une voix forte et d’un air enjoué.
Il vient souvent dans la région, il est « tombé amoureux du lieu ». Assis à une table avec un ami et son chauffeur, il nous y convie. Il est dans le commerce de pierres et de l’acier, et heureux en affaires. Peut-être est-ce pour cela qu’il vient souvent dans la région. Il s’empresse de nous remplir un petit sac de prunes qu’il vient d’acheter et nous colle dans la main un verre… d’alcool de riz. Ah ! Voilà le côté enjoué… Mais comment dire qu’il est trop tôt ? Ça ne se dit pas face à tant de générosité. Allez, on ferme les yeux et hop ! On se renverse d’un trait le contenu du verre au fond du gosier. Argl… C’est fort cette… boisson. Je laisse Erik lui donner la réplique – entre hommes, hein… – enfin pas trop quand même, pas sûr que le scooter connaisse bien la route. Pour ma part, je me contente de manger des prunes. S’il faut choisir, je préfère être malade que soûle à une heure si matinale.
Toujours est-il que notre nouvel ami se réjouit de notre présence et nous de la sienne. C’est drôle : il affiche sa réussite en nous énumérant ce qu’il a sur lui et le prix que ça lui a coûté. Plus c’est cher, plus les silences entre chaque phrase s’allongent. Son sourire de gros fumeur, son portable en or massif, sa langue bien pendue couplés avec sa grande générosité font de lui un personnage attachant.
En repartant, la lumière est tellement belle sur cette portion de route avec ses montagnes en forme de plots. Toujours personne si ce n’est des Hmongs de temps en temps qui marchent, chargés ou non, les femmes parées de couleurs vives avec souvent une serpette à la main. On peut lire la rudesse de leur vie sur leur visage. Elles sourient peu. Un monde nous sépare. On se demande souvent comment ils nous perçoivent.
Arrivés à Đồng Văn, c’est l’heure d’un café-yaourt – notre boisson chouchoute depuis Hanoï. Puis nous enchaînons dans le restaurant d’en face avec un phở au canard que nous avons vu se faire déplumer une heure avant depuis la terrasse du café… Pour le coup, c’était de première fraîcheur.
[Flashback]
Le marchand de canards gare son scooter devant le restaurant. À l’arrière, un grillage enroulé faisant office de cage renferme une petite dizaine de canards entassés les uns sur les autres et gesticulant dans l’espoir de trouver un peu de place. La cuisinière s’approche, choisit son canard, le négocie. À peine le temps de tourner la tête qu’on aperçoit le malheureux se faire déplumer sous l’eau claire.
DỒNG VAN – XIN CAI – MEO VẠC
Le ventre plein et la chaleur un peu passée, nous repartons en direction de Mèo Vạc. La lumière est divine (quoi, on se répète ?). On ne se lasse pas de revoir ces paysages. On pense à ces gens qui habitent là. Sont-ils blasés de voir ces merveilles chaque jour ? On pourrait se poser la même question pour nos Alpes : sommes-nous lassés de les voir ? Je ne pense pas. Alors eux, certainement pas non plus. D’ailleurs, on en voit souvent au bord des routes, assis sur les barrières ou blocs de béton qui protègent du vide. Ils attendent, contemplent, se reposent. Ils vivent et incarnent leur environnement. Sans oublier cette femme Hmong aperçue de l’autre côté de la barrière de sécurité, à quelques centimètres du vide, coupant des herbes avec sa serpette. Ça fout le vertige !
En fin de journée, nous décidons de descendre dans la vallée en direction de Xín Cái pour se rapprocher de la rivière et tenter sans grand espoir d’approcher le canyon. Une fois en bas, la route ne nous mènera pas bien loin car une entreprise exploite la rivière et bloque un accès. L’autre route n’est pas praticable.
Cependant, pas de regret, sur la route pour descendre, nous sommes enveloppés par la verdure. De temps en temps, on voit des enfants débouler d’un champ sur le bas côté de la route, le sourire éclatant. Cheveux en bataille, joues sales et morve au nez, ils sont trop mignons quand ils nous gratifient d’un bye-bye en guise de bonjour. Ils jouent, entre eux ; ils sont tellement autonomes. Certains descendent la route sur de petits engins à roulettes taillés dans le bois, et d’autres un peu plus grands aident à la construction d’une route.
JOUR 4 : MEO VẠC – HA GIANG
Aujourd’hui, la route sera longue. Un autre 150 km pour rejoindre Yên Minh, puis Hà Giang. Faut pas traîner. Plus nous avançons, plus les reliefs s’adoucissent.
À Yên Minh, nous prenons des habitudes : nous retournons manger un bún (soupe de nouilles) dans le petit restaurant découvert à l’aller et retrouvons le patron, un homme de 50 ans, et sa fille (ou petite-fille ?) de 10 ans avec qui nous avions échangé. Son bún est toujours aussi bon. Il nous requinque pour le reste du parcours. Nous arrivons en fin d’après-midi, pas mécontents de poser le scooter et trouvons un hôtel. Demain matin, nous partons à 6 h pour Lào Cai, ville frontière avec la Chine, la province du Yunnan où nous irons pour au moins un mois.
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Alors, ça vous a donné envie d’y aller ? ;-)
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Rendons à Caesar… Pour tout vous dire, on doit remercier Philippe. Car tout a commencé lorsque nous avons vu cet endroit sur un excellent article qu’il nous avait gentiment glissé dans un mail. Les photos étaient épatantes, les récits prometteurs. On s’imaginait déjà au milieu de cette sublime nature. C’était décidé, on allait y aller. Merci Philippe !
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